dimanche 10 février 2013

Les cinq étapes


Le déni. La colère. La négociation. La dépression. L'acceptation.

Quand on pense au mot "deuil" c'est souvent l'image d'un enterrement ou d'une tombe qui vient à l'esprit de la plupart des gens. Le deuil d'une personne qui nous était chère. Il arrive rarement qu'on soit en deuil mais sans savoir en deuil de quoi, exactement. Ce mot évoque rarement la perte d'autre chose que d'une personne, mais il s'avère qu'il peut regrouper plusieurs impressions.
Durant les deux semaines d'avant et pendant les partiels, je me sentais déphasée d'avec le monde, je ne me concentrais que sur une seule chose : les examens. Quand quelque chose représente votre avenir tout entier vous y mettez tout votre coeur, toute votre âme, tout votre temps, que ce soit plaisant ou non, pour une seule bonne raison : vous n'avez pas le choix. J'ai travaillé et n'ai fait que cela, pendant des semaines. Arrêté de lire, arrêté d'écrire, même si ce n'étaient que des articles. Arrêté de sortir, arrêté de m'amuser, arrêté de regarder mes séries préférées, arrêté de me faire les ongles, les boutiques, ou n'importe quoi d'autre pouvant susciter un tant soit peu de plaisir ou de bonheur.
Ensuite est venue la colère : tout ça pour quoi ? A quoi bon ? Voilà où j'en suis : à travailler nuit et jour sans vraiment savoir pourquoi, pour qui, sans personne pour me soutenir, seule devant un tas de papier en espérant qu'ils me forgeront le futur de mes rêves... Une feuille pour chaque illusion. J'ai été en colère pendant longtemps, très fort, assez pour que toute mon énergie parte en fumée dans cette rage.
Alors j'ai essayé de tempérer. De voir le bon côté des choses, de redevenir futile, de profiter de chaque instant sans penser plus loin, chaque petite parcelle de bonheur : un épisode de ma série préférée, un verre dans un bar avec des amis, un bon livre... Sans succès.

Le bon côté c'est que j'ai déjà fait la moitié du chemin. Le mauvais côté c'est que j'ai l'impression de rester bloquée à la phase quatre. Il y a deux semaines, j'ai perdu ma confiance en moi. Cette semaine, j'ai perdu une amie. Et ces deux peines cuisantes en ont ramené tant d'autres à la surface... Tant de questions qui n'ont pas de réponse, tant d'angoisses qui ne passent jamais, tant de frustrations qui ne sont pas prêtes de changer. Pourquoi les gens ne s'intéressent-ils qu'à eux et utilisent toute leur énergie pour se contempler le nombril au lieu de se focaliser sur les vraies valeurs de la vie, par exemple. Ou à quoi bon payer des écoles prestigieuses, faire bien sagement nos devoirs, s'évertuer à ne faire que des choses exemplaires, des choses sages, à faire tout ce que la société nous dicte afin d'arriver à atteindre nos rêves, alors que 99,99% des gens n'y arriveront jamais - et devront juste apprendre à se taire, apprendre qu'un rêve est un rêve justement parce qu'il est inaccessible, et se contenter d'une vie médiocre à la place. Que valent tous ces faux-semblants, toutes ces simulations, toutes ces illusions, dans ce monde où tout n'est qu'image, ou rien ne compte, combien peuvent se targuer de se coucher le soir avec le sentiment d'avoir accompli quelque chose ?

Faire le deuil d'une amie - ou du moins s'y forcer - m'a montré que j'ai bien plus de choses à enterrer que ce que je croyais. Je voudrais pouvoir, un de ces matins ou un de ces soirs, marcher comme d'habitude, dans le noir, et me cogner contre un fil qui pendait là, comme par hasard... L'interrupteur. Je voudrais pouvoir rallumer la lumière, je voudrais pouvoir voir les choses comme je les voyais il y a quelques semaines encore : avec la même fraîcheur, les mêmes espérances, la même candeur... Je voudrais pouvoir être heureuse d'un rien à nouveau. Je voudrais oublier toutes ces pensées si lourdes et si noires et si dures à porter, dont je ne peux ni me débarrasser ni partager. Je voudrais pouvoir rebondir, comme je le fais toujours dès que je suis dans une période où rien ne va plus, regrouper toutes mes forces et me relever... Mais je n'y arrive pas. J'ai l'impression d'avoir perdu mon innocence, d'avoir perdu mon âme d'enfant, pour de bon cette fois.


... Et pourtant, ce soir encore, contre toute attente, la neige est tombée. Ce soir encore, elle a tout recouvert, et pendant ces quelques minutes, sous ces quelques flocons, je me suis sentie bien... Et j'ai souri. Comme ça, pour rien, juste parce qu'il neigeait.

Ndlr : promis, bientôt un article plus joyeux en perspective.
Je pense à toi Marie.




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